Enseignement – tout un apprentissage (Partie 2)

Lire la partie 1 ici : Transmission – une histoire de famille

Après avoir écrit sur le gène de l’enseignement qui court dans ma famille dans la partie 1, je vous montre un bout de mon propre chemin.

Je suis tombée sur cette photo en faisant du tri cet été. Je ne savais même pas qu’une telle image existait !
Moi, avec mes compagnons d’apprentissage de l’Ecole Supérieure de Pédagogie, dans la classe de l’école
d’application qui nous a vu naître à la profession.
Treize filles derrière la prof, avec des spécialités différentes, et avec un dénominateur commun : la langue
allemande. Nous sommes en quatrième année. Pendant deux ans on nous a bourré le crâne non seulement
de culture, de littérature moderne et ancienne, de linguistique, de phonétique et de la morphologie de la
langue allemande, (vive le Althochdeutsch et ses écrits, Beowulf et Hildebrandslied !) mais
également en quantité équivalente de pédagogie (son histoire, les recherches et la pédagogie appliquée),
de psychologie, de didactique et de méthodologie.

Les « petits profs »

A partir de la troisième année, nous allions tous les lundis à l’école d’application, située à 5
minutes de marche de notre Université. Nous nous asseyions au fond de la pièce derrière les
élèves, doublant ainsi l’effectif et nous observions le cours de notre prof. Puis nous décortiquions
pendant 3 h ce qu’on avait vu, comment était la construction de la séance, quel était le but de
chaque exercice, comment les enfants de différents âges étaient amenés à intégrer de nouveaux
éléments de la langue de Goethe. Nous avions tous les âges entre 6 ans et 14 ans, puis en
quatrième année j’ai eu l’occasion de me jeter dans le grand bain avec des élèves de 14 à 18 ans.
Bien entendu, suivant l’âge, suivant si l’enfant ne pouvait pas encore écrire ou s’il préparait un examen
de langue, les moyens de transmettre le savoir prenaient des formes absolument différentes. Nous avons
passé une année entière à observer, à analyser, à discuter, à brainstormer : quel était le choix du prof,
pourquoi, et quel autre moyen aurait pu être mobilisé pour le même but. Nous avons vu en pratique tout
au long de l’année les différents types d’exercices, des réussites, des ratés, nous avons vu que ce qui
pouvait marcher dans une classe échouait lamentablement dans une autre…et en analyser les causes et
rechercher des alternatives.

Les premiers pas

Puis, en quatrième année, les choses se sont corsées. D’observateurs nous sommes passés à « petits
profs » comme les élèves nous appelaient. Tout d’abord, nous avons appris à construire des séquences de
10 minutes. Pour se faire, nous devions remplir des déroulés minute par minute avec ce qui allait se passer
dans la classe, les objectifs etc. Parfois nous avions plus qu’une copie double remplie avec de pattes de
mouche pour ces dix minutes. Puis nous revoyions ce plan avec le prof, qui faisait alors des suggestions,
ou corrigeait si nécessaire la direction choisie.
Et le jour J, nous étions 4 à faire un cours d’allemand, devant la classe, devant nos camarades et le prof,
qui prenait des notes pour le décorticage ensuite. Je ne vous raconte pas le stress à plusieurs niveaux :
l’enseignement, les enfants, la tenue du timing, le regard des autres, et les notes du prof. Tout ça, concentré en 45 minutes, suivies de 3 heures d’analyse quasi minute par minute. Certains de mes
camarades avait plus de mal que moi : j’ai intégré comme enfant une école d’application à 8 ans et j’avais
l’habitude d’une foule dans la salle de classe et de l’observation. Nous étions parfois dans une classe plus
de 60 personnes : la classe avec une trentaine d’élèves, plus un ou deux groupes d’ apprentis profs.
Heureusement qu’en cours de langue tout était divisé par deux, et on dépassait rarement les trente
personnes dans la salle. Les amis avec une spécialité maths n’avaient pas cette chance.
Après avoir passé un semestre à apprendre à organiser des séquences, à observer, à accumuler un nombre
incalculable de pratiques pour mieux transmettre des compétences différentes à des élèves d’âges
différents, on nous a jugé apte à faire un premier cours seul(e), comme des grands.
Il fallait donc préparer le même tableau, mais pour 45 minutes (en Hongrie, à l’époque, l’organisation des
cours sur une heure était de 45 minutes de classe et 15 minutes de pause pour respecter les besoins
physiologiques des jeunes.)

Saut dans le grand bain

La configuration était semblable : préparation du tableau avec les séquences, décorticage du tableau avec
le prof, ré-écriture du tableau. Puis le grand jour, le premier cours construit et dispensé par soi-même,
sous les regards des camarades et d’un ou plusieurs profs. Puis, l’analyse du cours en groupe pour voir
comment ça s’était passé et s’il y avait des choses à revoir pour le prochain cours. Débutait ainsi une
période de 2 semaines où nous étions en charge d’assurer les cours de notre prof, et ce à tous les niveaux,
avec, comme observateur unique le prof. Au bout de ces quinze jours, on était invité à préparé une
dernière leçon dans laquelle on pouvait intégrer tout ce qu’on avait appris pendant ces 4 ans et donner
notre meilleure performance à nouveau devant tout le monde. Et cette fois-ci tout était noté, et forcément,
la réussite à l’examen d’Etat en dépendait en partie.
Et, malgré ce que vous pouvez en penser, je n’ai que de bons souvenirs de cette époque, certes stressante,
mais très formatrice. Je me souviens des nuits passées à cogiter avec les quatre filles de mon groupe (cette
année-là nous n’étions que 4 dans la promo à avoir la spécialité allemand-français, très peu commune
comme combinaison) pour trouver des exercices ludiques, des sources sympa, qui intéressent les enfants
ou les jeunes, à se soutenir mutuellement, ou dire à un moment que ça suffisait, et on passait alors à autre
chose…
Ce sont de bons souvenirs car dans ma dernière année d’étude, j’ai aussi eu le grand plaisir d’effectuer un
stage dans mon ancien lycée (imaginez la jubilation d’y remettre les pieds en tant que prof 😉 et, suite à
ça, on m’a embauchée pour un remplacement longue durée. Quel prestige de travailler dans le meilleur
lycée de la ville (je sais, certains vont s’étonner en lisant cette phrase, mais outre le fait que cela témoigne
d’une certaine fierté et d’un sentiment d’appartenance de ma part, c’était également la réalité des choses,
étant donné l’organisation de la société et de l’éducation en Hongrie).


Grâce à ce stage et ce remplacement qui l’a suivi, j’ai reçu ma première offre d’emploi : je me suis fait
embaucher par une école de langue privée. (je vous épargne l’adjectif prestigieuse 😉 Cette fois-ci, avec
des niveaux et des publics différents : des préparations aux examens de langue pour ados et étudiants et
langue des affaires pour les adultes. Dans des conditions idéales tant au niveau matériel que dans les
effectifs. Ainsi est née la première carte de visite de ma vie professionnelle, un cadeau de cette école de
langue. Je vous la présenterai sous peu….

Partie 3 – Qu’est-ce qu’une vie professionnelle ?

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