Gabriella Tamas - thérapeute narrative, formatrice

Transmission – une histoire de famille (Partie 1)

Nous sommes profs dans la famille. Peut-être que ça paraît bizarre, mais comme on peut trouver des familles de médecins, chez nous, même involontairement, c’est le besoin de transmettre qui a guidé plusieurs générations.

Mes grands-parents

Je ne peux parler que de ceux que j’ai connus, je ne vais pas remonter à mes ancêtres. Je commence donc avec mon grand-père paternel. Il était enseignant et chantre dans son petit village appartenant aujourd’hui à la Slovaquie. Il menait des jours heureux avec sa femme là-bas, il appartenait à l’intelligentsia locale avec le médecin, le notaire et le prêtre. Ces jours heureux se sont brusquement terminés un matin, peu après la fin de la deuxième guerre mondiale (et le nouvel agencement des frontières, lors duquel la Hongrie a perdu deux-tiers de sa territoire), quand deux soldats vinrent lui annoncer qu’il avait jusqu’au soir pour faire sa valise et quitter le village avec sa femme. 

Ainsi arrivé un soir de l’autre côté de la nouvelle frontière (côté hongrois, donc) sur le plateau d’un camion militaire avec deux valises et sa femme, il fut embauché comme enseignant dans l’école d’un petit village, avec appartement de fonction. Il est vite devenu très aimé et respecté,par les adultes et même les ados, qu’il amenait volontiers dans la forêt pour de longues balades ou une partie de pêche. Cela a sauvé plus d’un jeune de la voie de la délinquance toute tracée qui attendait les jeunes tziganes dans ce coin oublié et très pauvre du pays.  Il organisait également des classes vertes, des ateliers théâtre ou des chorales pour amener la paix entre les communautés protestante et catholique, à travers des activités communes. Sa femme, ma grand-mère, a commencé à enseigner la broderie, le tricot, le crochet et le tissage à l’école, où à l’époque des cours de « vie du ménage » étaient encore intégrés dans le cursus. 

Mon père avec une de ses équipes autour de 1970

Mes parents

Mon père a donc grandi dans un petit village du nord-est de la Hongrie, à l’air libre et libre comme l’air ! Ses plus grands amis étaient les arbres et les animaux, en plus de ses camarades de foot, puis de handball. Et, à son tour, il a intégré une école supérieure pour devenir prof de sport et de géographie grâce à une bourse ; puis il a continué ses études à l’université des Sciences du Sport de Budapest pour finalement devenir formateur des apprentis profs de sport. Il brûlait en lui la même flamme de la  transmission que pour son père, qu’il s’agisse d’emmener ses étudiants pour des bivouacs sur la rivière Tisza, ou leur enseigner le ski dans les montagnes. Mais il a également eu d’autres voies pour sa vocation pour la transmission : il a eu son émission de radio, puis de télévision sur les techniques de ski, et il a également écrit des articles dans le périodique « Enseigner », ainsi qu’un  livre sur ce sujet qui le passionnait. 

Et pour continuer sur le fil de l’enseignement, il a épousé une autre prof de sport, avec comme deuxième spécialité la biologie. Ma mère est également devenue plus tard formatrice des apprentis profs dans une école d’application. Ils ont partagé non seulement leur amour de la nature, mais également une profession commune. Ma mère a également beaucoup évolué dans son travail et fini par bifurquer vers la santé : après être devenue kiné dans des écoles pour dispenser des cours de sport adapté pour des élèves avec des problèmes de santé,  elle est devenue formatrice dans cette spécialité. 

Nous – les enfants

Alors si vous pensez que j’étais encouragée à  devenir prof, vous ne pouvez pas être plus loin de la vérité. La phrase fétiche de mes parents concernant nos futurs métiers à ma sœur et moi était : tout,sauf prof ! Il faut dire que dans la Hongrie socialiste ce n’était pas particulièrement une profession enviable, et encore moins bien payée que les ouvriers. (Quoi qu’en disent Marx ou Engels, à l’époque l’échelle de valeur était soigneusement élaborée par l’Etat pour ne pas permettre au peuple le loisir de trop réfléchir, ce qui aurait eu des conséquences fâcheuses pour le système en place. Ne pas pouvoir joindre les deux bouts est une diversion très efficace pour toute activité intellectuelle, encore aujourd’hui, et même dans d’autres types de système. )

Et vous allez peut-être rigoler, mais non seulement moi je suis devenue d’abord prof, puis deux reconversions plus tard, je me suis retrouvée de nouveau comme formatrice. Mais ma sœur, quant à elle, économiste à la base, a également aujourd’hui une activité de formation. 

Nous avons visiblement hérité d’un gène qui fait que non seulement nous sommes très curieuses et que nous apprenons en continu, mais que nous avons également une force qui nous pousse à retranscrire ce que nous avons appris dans une forme plus digeste et accessible. J’imagine que c’est ainsi qu’est né mon premier tutorat en 2013, à destination des personnes formées en Profilage Alimentaire, ou bien mon programme Eat Happy, avec des groupes enthousiastes dont je garde un souvenir qui me réchauffe le coeur entre 2 et 3 h du matin lors d’insomnies liées à des doutes. Ou bien  que c’est ce qui m’a poussé à monter le site Académie du Sans gluten pour transmettre mon expérience de la cuisine à destination de personnes souffrant de problèmes d’intolérances. Sans oublier ma formation Thérapie Alimentaire (Les leviers du changement) que j’ai construite pour les professionnels qui accompagnent des personnes dans des changements alimentaires  : je transmets une voie et une posture pour sortir du syndrome de maîtresse d’école ou du rôle du praticien sévère.

Gabriella Tamas - thérapeute narrative, formatrice

Lire la partie 2 ICI : Enseignement – tout un apprentissage

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